HISTOIRES EXTRAORDINAIRES
Traduction Charles Baudelaire—1857
Littérature de décadence!—Paroles vides que nous entendons souventtomber, avec la sonorité d'un bâillement emphatique, de la bouche de cessphinx sans énigme qui veillent devant les portes saintes del'Esthétique classique. À chaque fois que l'irréfutable oracle retentit,on peut affirmer qu'il s'agit d'un ouvrage plus amusant que l'Iliade.Il est évidemment question d'un poëme ou d'un roman dont toutes lesparties sont habilement disposées pour la surprise, dont le style estmagnifiquement orné, où toutes les ressources du langage et de laprosodie sont utilisées par une main impeccable. Lorsque j'entendsronfler l'anathème,—qui, pour le dire en passant, tombe généralementsur quelque poëte préféré,—je suis toujours saisi de l'envie derépondre: Me prenez-vous pour un barbare comme vous, et me croyez-vouscapable de me divertir aussi tristement que vous faites? Descomparaisons grotesques s'agitent alors dans mon cerveau; il me sembleque deux femmes me sont présentées: l'une, matrone rustique, répugnantede santé et de vertu, sans allure et sans regard, bref, ne devant rienqu'à la simple nature; l'autre, une de ces beautés qui dominent etoppriment le souvenir, unissant à son charme profond et originel toutel'éloquence de la toilette, maîtresse de sa démarche, consciente etreine d'elle-même,—une voix parlant comme un instrument bien accordé,et des regards chargés de pensée et n'en lais