L'Histoire Romanesque

GUILLAUME APOLLINAIRE

LES TROIS DON JUAN

PARIS

BIBLIOTHÈQUE DES CURIEUX

4, RUE DE FURSTENBERG, 4

MCMXIV

LA MAYA NUE
PLANCHE I
(Photo J. Lacoste, Madrid).
F. Goya.—LA MAYA NUE

L'HISTOIRE ROMANESQUE

GUILLAUME APOLLINAIRE

Les Trois Don Juan

Don Juan Tenorio d'Espagne

Don Juan de Maraña des Flandres

Don Juan d'Angleterre


Ouvrage orné de douze illustrations hors texte

D'après Goya, Boucher, A. Colin, L. Sauvé, J. Harrewyn,de Novelli, E. Devéria, Eugène Delacroix.

I

DON JUAN TENORIO

ou

LE DON JUAN D'ESPAGNE

CHAPITRE I

LES PRÉDICTIONS DE L'ASTROLOGUE

La famille de Don Juan.—Maternité douloureuse.—Lebaptême.—Chez l'astrologue.—Alchimie et magie.—Lesrêves de la comtesse.—Le langage des astres.—Jacobiassommé.—La revanche du hibou.—Les prétentions deDon Jorge.

Don Juan Tenorio était le fils de Don Diego PonsTenorio, quinzième seigneur de Cabezan en Asturie,onzième seigneur de Peral y Cobos en Vieille-Castille,sixième seigneur de Fuente-Palmera en Andalousie.C'est dire qu'il descendait d'une antique etnoble lignée.

Don Diego était un personnage considérable. Ilpossédait, outre ses seigneuries, gagnées par sesancêtres à la pointe de l'épée, un palais à Séville oùil séjournait une partie de l'année. Il y gérait l'Intendancedes dîmes et des bâtiments pour l'ordre religieuxmilitaire dont il était commandeur. La totalitéde ses revenus était estimée à dix-huit mille ducatsd'or.

Lorsque sa femme, la belle comtesse Clara, sesentit prise des douleurs de l'enfantement, il y eut ungrand émoi dans le château. Elle passa tristement lesmois de sa grossesse. Il semblait qu'une maladie terribleet mystérieuse se fût abattue sur elle. Souventon la voyait pleurer sans motif ou tressaillir d'épouvante.Parfois, l'œil fixe, la poitrine haletante, elleparaissait subir la fascination de quelque fantômevisible à elle seule. En vain passait-elle la plusgrande partie de ses nuits enfermée dans son oratoire.On l'entendait murmurer de longues prières, entrecoupéesde sanglots convulsifs. Des rêves d'épouvantetroublaient ses nuits, et maintes fois elle s'éveilla ensursaut, poussant des cris étouffés. Ni les soins affectueuxde son mari, ni les encouragements du chapelainne pouvaient lui rendre le calme.

À l'annonce de la délivrance, attendue par la comtesseavec une si singulière appréhension, on fit venirde Séville un des plus illustres médecins du temps.

C'était un juif baptisé du nom d'Alonzo Levita. Ilavait étudié dans toutes les Universités d'Europe.

Il interrogea la malade, examina les symptômes etrassura tout le monde. Quelques heures après, eneffet, Doña Clara accouchait d'un beau garçon.


Ce fut une chèvre qui servit de nourrice à Don Juan,une chèvre sauvage de la haute sierra.

Il fut baptisé en grande cérémonie dans la cathédralede Grenade, en présence des rois catholiques etde leur cour. Il eut pour marraine Doña FrancescaPacheco, marquise de Mondejar et pour parrainDon Juan de Ganelès, dont il prit le nom selon l'usage.

La comtesse avait fait un projet. Elle voulait consulterun astrologue fameux qui lui avait été recommandépar Don Alonzo Levita. Les soucis qui l'avaienthantée dès les premiers jours de la conception del'enfant ne s'étaient pas dissipés en effet.

Elle s'en fu

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!