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COURS FAMILIER
DE
LITTÉRATURE

UN ENTRETIEN PAR MOIS

PAR
M. A. DE LAMARTINE

TOME DIXIÈME

PARIS
ON S'ABONNE CHEZ L'AUTEUR,
RUE DE LA VILLE L'ÉVÊQUE, 43.

1860

L'auteur se réserve le droit de traduction et de reproduction àl'étranger.

COURS FAMILIER
DE
LITTÉRATURE

REVUE MENSUELLE.

X

Paris.—Typographie de Firmin Didot frères, fils et Cie, rue Jacob, 56.

LVe ENTRETIEN

L'ARIOSTE

(1re PARTIE).

I

Sortons un moment de l'art sérieux pour donner quelques heuresd'attention à l'art du badinage; c'est le même art au fond, maisappliqué à l'amusement de l'esprit au lieu de s'appliquer à l'émotionde l'âme. Il faut s'amuser après tout, dit Voltaire; nous pensons, àcet égard, comme lui. Il faut avoir du plaisir, le plaisir est unedes fonctions de l'homme; ce n'est pas en vain que la nature a donnéle sourire à nos lèvres: seulement il faut que le plaisir soitinnocent, délicat, spirituel, gracieux, et qu'on ne rougisse pasd'avoir joui. Après avoir souri avec un grand poëte comme Arioste, onrit avec un grand comique comme Molière. En d'autres termes, s'il fauts'enivrer de temps en temps, il ne faut s'enivrer que de bon vin etnon pas de vil et dégoûtant breuvage. En d'autres termes encore, ilfaut lire l'Arioste et non pas l'Arétin; il faut lire le Rolandfurieux et non la Pucelle.

Ouvrons donc ensemble ce poëme inimitable, œuvre badine d'un hommequi n'a point eu d'égal dans l'antiquité, point d'émule dans les tempsmodernes: le divin Arioste.

II

C'est un privilége unique de l'Italie entre toutes les nations d'avoireu deux jeunesses. Les autres nations, comme les autres hommes, n'enont qu'une: quand elles sont vieilles, c'est pour toujours; quandelles sont mortes, c'est pour jamais. Malgré les théories pluschimériques que réelles de ce soi-disant progrès indéfini et continu,qui conduit les peuples, par des degrés toujours ascendants, à je nesais quel apogée, indéfini aussi, de la nature humaine, l'histoirereligieuse, l'histoire militaire, l'histoire politique, l'histoirelittéraire, l'histoire artistique, ne nous montrent pas un seul peuplequi, après la perfection, ne soit tombé dans la décadence. Hélas!ajoutons, ce qui est plus juste, qu'elles ne nous en montrent presqueaucun qui, de la décadence, soit remonté à la perfection. Lesrésurrections sont d'immortelles espérances pour l'autre monde; mais,pour celui-ci, on n'y ressuscite pas.

Il n'y a, disons-nous, qu'une exception unique à cette loi del'irrémédiable décadence des lettres et des arts: c'est la secondejeunesse et la seconde littérature de l'Italie au quinzième et auseizième siècles, après quatorze ou quinze cents ans de dégradation.C'est un phénomène qu'on n'a pas assez étudié, et qui ne s'explique,selon nous, que par deux causes: d'abord la prodigieuse féconditémorale de la race italienne; ensuite la séve nouvelle, vigoureuse,étrange, que les lettres grecques et latines, renaissantes et grefféessur la chevalerie chrétienne, donnèrent à cette époque à l'esprithumain en Italie.

Quoi qu'il en soit, on s'extasie de surprise et d'admiration quand onvoit une terre qui a perdu l'empire du monde, puis sa propre liberté,puis ses dieux, puis sa langue même; une terre qui avait produitCicéron, Horace, Virgile, reproduire tout à coup, dans une aut

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