MICHEL ZÉVACO

LES PARDAILLAN-3




La Fausta




PROLOGUE

DÉCOR: une nuit de printemps parfumée, mystérieuseet pure. Le parvis de Notre-Dame. La cathédraleaccroupie dans l'ombre comme un sphinx et,à l'autre bout, un seigneurial hôtel à façade sévère.Au balcon gothique, sous la caresse des clartés astrales,une blanche apparition de charme et degrâce.

Palpitante et radieuse, elle suit des yeux, dans l'obscuritébleuâtre, un élégant et fier gentilhomme quis'éloigne.

Cette jeune fille, c'est Léonore, l'unique enfant dubaron de Montaigues qui, depuis la tragique journéede la Saint-Barthélémy où le vieux huguenot fut supplicié,—aveuglédes deux yeux!—lui prodigue d'inépuisablesconsolations.

Et ce seigneur, à qui elle jette l'adieu passionnéde ses baisers, c'est le fastueux et noble duc Jeande Kervilliers.

Son amant! Lentement, à regret, lorsqu'il a disparu,elle rentre dans cette chambre où ses rendez-vousnocturnes s'écoulent aussi rapides que les irréellesminutes d'un songe éblouissant et où, il y aune heure, ici même, suspendue au cou de Jean, ellea murmuré le plus émouvant et le plus redoutabledes aveux... Elle va être mère!

Comme elle a tremblé alors! car pour le baronde Montaigues, ce père qu'elle adore, quelle agoniede honte!

A son premier mot, Kervilliers est devenu lividede bonheur sans doute; car il l'a enlacée d'une plusardente étreinte et a balbutié de formelles assurances;le vieillard ne saura pas. La faute réparée àtemps sera ignorée de tous. Demain, lui, Jean, parlera!Demain, elle sera sa fiancée! Dans peu dejours sa femme!

Tout à coup, un fracas retentit! Une vitre du balcona sauté, une pierre enveloppée d'un papier roulesur le tapis!

Léonore demeure d'abord immobile de stupeur etd'effroi...

Ce papier alors, la fascine et l'attire. Un billet? Ellese baisse, le saisit, hésite et... elle le déplie C'en estfait d'un trait elle l'a parcouru! Alors elle pâlit.

Son coeur se serre, une plainte d'infinie détresseexpire sur ses lèvres. Qu'a-t-elle lu?... Voici:

Monseigneur l'évêque prince Farnèse, qui demaincélébrera la Pâque dans Notre-Dame, est le seul quipuisse vous dire pourquoi Jean, duc de Kervilliers,ne vous épousera jamais... jamais!

Qui a jeté la pierre? Un jaloux d'amour? Un ennemide race? Qu'importe! Et pendant que cet être,quel qu'il soit, écoute et regarde, pendant que lafille de Montaigues se débat, aux prises avec le désespoirle duc de Kervilliers rentre chez lui, tombeà genoux devant un portrait de Léonore et sanglote:

«Qu'a-t-elle dit? qu'elle va être mère? J'ai bienentendu?... Perdue! oh! perdue!... Et moi! Ah!misérable! pourquoi n'ai-je pas fui quand cette passionm'a mordu au coeur? Que faire?... Fuir! Fuirhonteusement...»

*

Au coup de la grand-messe de ce dimanche de Pâques 1573,Léonore entre dans cette cathédrale dont,fille de huguenots, elle n'a jamais franchi le seuil.

Ce sont des heures d'inoubliables tortures qu'ellevient de vivre. Mille suppositions affolantes ont traverséson esprit. Jean est-il marié à une autre?L'évêque va lui répondre!

Dans l'église, elle s'arrête, défaillante, conscienteà peine de ce qu'elle fait. Là-bas, tout au fond, dansla splendeur des cierges, couvert d'or, le prince Farnèse,légat du pape, entonné le Kyrie.

Léonore se met en marche. Par de lents efforts,elle se fraie un passage. Mais, quand enfin elle atteintle choeur, elle est sans forces. Dix pas, au plus,la séparent du prince-évêque. Tourné vers le tabernacle,il officie, en des poses empreintes d'une solennelle dignité.

Et, maintenant, Léonore a peur. L'approche de l'

...

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