LETTRES INTIMES
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR | |
OUVRAGES | |
DE | |
HECTOR BERLIOZ | |
FORMAT GRAND IN-18 | |
A travers chants | 1 vol. |
Correspondance inédite | 1 vol. |
Les Grotesques de la musique | 1 vol. |
Les Soirées de l'orchestre | 1 vol. |
Mémoires, comprenant ses voyages en Italie, en Allemagne, en Russie et en Angleterre, 1803-1865 | 2 vol. |
Coulommiers.—Typ. Paul BRODARD. |
HECTOR BERLIOZ
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AVEC UNE PRÉFACE
PAR
CHARLES GOUNOD
PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES
3, RUE AUBER, 3
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1882
Droits de reproduction et de traduction réservés
TABLE |
Il y a, dans l'humanité, certains êtres doués d'une sensibilitéparticulière, qui n'éprouvent rien de la même façon ni au même degré queles autres, et pour qui l'exception devient la règle. Chez eux, lesparticularités de nature expliquent celles de leur vie, laquelle, à sontour, explique celle de leur destinée. Or ce sont les exceptions quimènent le monde; et cela doit être, parce que ce sont elles qui payentde leurs luttes et de leurs souffrances la lumière et le mouvement del'humanité. Quand ces coryphées de l'intelligence sont morts de la routequ'ils ont frayée, oh! alors vient le troupeau de Panurge, tout fierd'enfoncer des portes ouvertes; chaque mouton, glorieux comme la mouchedu coche, revendique bien haut l'honneur d'avoir fait triompher larévolution:
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine!
Berlioz fut, comme Beethoven, une des illustres victimes de cedouloureux privilège: être une exception; il paya chèrement cette lourderesponsabilité! Fatalement, les exceptions doivent souffrir, et,fatalement aussi, elles doivent faire souffrir. Comment voulez-vous quela foule (ce profanum vulgus que le poète Horace avait en exécration)se reconnaisse et s'avoue incompétente devant cette petite audacieuse depersonnalité qui a bien le front de venir donner en face un démenti auxhabitudes invétérées et à la routine régnante? Voltaire n'a-t-il pas dit(lui, l'esprit s'il en fut) que personne n'avait autant d'esprit quetout le monde? Et le suffrage universel, cette grande conquête de notretemps, n'est-il pas le verdict sans appel du souverain collectif? Lavoix du peuple n'est-elle pas la voix de Dieu?...
En attendant,