LÉON DE TINSEAU
Ouvrage couronné par l’Académie française
DIXIÈME ÉDITION
PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
RUE AUBER, 3, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15
A LA LIBRAIRIE NOUVELLE
1891
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
DU MÊME AUTEUR
Format grand in-18
ALAIN DE KERISKI | 1 vol. |
L’ATTELAGE DE LA MARQUISE | 1 — |
BOUCHE CLOSE | 1 — |
CHARME ROMPU | 1 — |
MA COUSINE POT-AU-FEU | 1 — |
DERNIÈRE CAMPAGNE | 1 — |
MADAME VILLEFÉRON JEUNE | 1 — |
MONTESCOURT | 1 — |
ROBERT D’ÉPIRIEU | 1 — |
STRASS ET DIAMANTS | 1 — |
SUR LE SEUIL | 1 — |
ÉMILE COLIN — IMPRIMERIE DE LAGNY
LA MEILLEURE PART
— C’est trop fort ! s’écria le grave monsieurPerraudin, précepteur du jeune Guy de Vieuvicq,en faisant gémir sous lui l’antique fauteuilen tapisserie qui lui servait de chaire professorale.Je n’ai rien vu de pareil dans ma longuecarrière ! Traduire positis membrana capillispar une perruque ! On n’a pas idée d’unechose pareille.
— Moi, je trouve l’idée assez naturelle, réponditavec flegme un beau garçon de douzeans, très occupé à décorer de sculptures primitivessa table de sapin noirci. D’ailleurs,Térence est trop difficile pour moi.
— Alors, monsieur, on ne traduit pas. Onrespecte la pensée du poète, si l’on ne peut lasaisir. Faites-moi le mot à mot de cet hémistiche,je vous prie.
— Membrana, une membrane ; positis capillis,sur laquelle on a posé des cheveux ; n’est-cepas ainsi que se fabriquent les perruques ?
— Ah ! vraiment ? Eh bien, monsieur, écoutezmon mot à mot, à moi : Membrana, unepeau, positis capillis qui a perdu ses poils.C’est-à-dire, monsieur, en bon français, unparchemin. Le rhéteur arrive avec son parcheminsous son bras. Le bon sens indique suffisammentqu’on ne vient pas faire la classe avecsa perruque dans son portefeuille.
— C’est dommage, fit l’élève, en jetant surles mèches postiches de son précepteur unregard irrévérencieux. Ce serait drôle, quelquefois.
Du moment qu’il s’agissait de lui-même, etnon plus de Térence, le grave Perraudinretrouva tout son calme.
— Monsieur, dit-il, j’informerai monsieurle comte et madame la comtesse de ce trait decausticité déplacée. En attendant, vous aurezun très mal, aujourd’hui, pour la discipline ;et, sans préjudice d’une autre punition plussévère, vous allez m’écrire six fois, avant desortir d’ici, le verbe : J’ai trop d’esprit pourmon âge. Vous entendez, monsieur, six fois !
Là-dessus le pédagogue prit son chapeau etquitta la salle d’études, installée dans unevieille tour du