Au point où en sont aujourd'hui les études orientales, ce qu'onattendrait d'elles, ce serait sans doute quelque chose de mieux qu'unvolume de nouvelles et de contes.—Les Chinois d'ailleurs ne fontpas entrer dans le domaine de leur littérature des ouvrages d'une aussimince importance, et la magnifique bibliothèque des Empereurs exclutde ses rayons de simples histoires, des romans d'imagination, bonstout au plus à occuper les loisirs d'un étudiant. Pour nous, moinscapables de juger et moins à même de faire un choix, nous avons lu avecun certain plaisir et comme délassement de travaux plus sérieux, cesrécits un peu dédaignés: après les avoir parcourus, nous avons senti ledésir de les étudier plus à fond, puis bientôt l'envie de les traduire,dans l'espoir que peut-être, tout en passant sous le joug d'une langueétrangère, ils ne perdraient pas la gracieuse naïveté qui les distinguedans l'original.
D'ailleurs, même en écrivant les ouvrages les plus futiles au premierabord, les Chinois s'inspirent presque toujours d'un fait historique,d'une légende, d'un axiome emprunté à l'une de leurs trois religions;et ces collections de nouvelles si abondantes, si multipliées, forméesà des époques diverses, traversant ainsi les siècles sans nom d'auteur,pourraient à la rigueur se comparer à tant d'autres recueils anonymesdu même genre, vers ou prose, communs à toutes les nations, et qui sontd'ordinaire la plus fidèle et la plus piquante peinture des mœurs etdes croyances du peuple chez lequel ils ont pris naissance.
Aussi, dans le but de varier les tableaux, et de faire passer sous lesyeux du lecteur plusieurs exemples de ce style facile et soigné, quitémoigne du goût des Chinois pour les contes et les nouvelles, nousavons puisé à des sources différentes, que nous croyons devoir faireconnaître ici:
LES PIVOINES, placées en tête du volume, appartiennent au recueilintitulé Kin-Kou-Ky-Kwan (Faits remarquables, anciens et modernes).Le même conte se trouve aussi dans les Histoires à réveiller lemonde, dont la bibliothèque de l'Arsenal possède un exemplaireincomplet: cet ouvrage, qui semble un extrait des meilleurescollections de ce genre, a fourni de plus le conte fantastique desRENARDS-FÉES.
La nouvelle de l'illustre poète de la dynastie des Tangs, LY-TAI-PE,laquelle peut être considérée comme historique (jusqu'au dénouementtoutefois), est empruntée au Kin-Kou-Ky-Kwan déjà cité, ainsi que celledu LUTH BRISÉ qui termine le volume.
C'est du roman bouddhique Sy-Yeou-Ky, Voyage dans l'Ouest,(c'est-à-dire dans l'Inde, quand ce sont des Bouddhistes chinois quiparlent) qu'ont été tirés les deux épisodes: LE BONZE SAUVÉ DES EAUX etLE ROI DES DRAGONS.
Ils forment, dans deux éditions dissemblables en plusieurs points,le neuvième chapitre de ce roman trop long et trop diffus pour êtretraduit en entier, mais très riche en détails géographiques eten aventures curieuses. Malheureusement l'exemplaire in-8° de l