ARAGO
ET
SA VIE SCIENTIFIQUE


PAR
J. BERTRAND
MEMBRE DE L'INSTITUT

PARIS
J. HETZEL, EDITEUR
18, RUE JACOB
1865



À

M. ISAAC PÉREIRE



Témoignage de gratitude pour l'hommage
par lui rendu à la Science.

Son ami dévoué,
J. Bertrand.



Les cimes élevées de la science sont inaccessibles au grand nombre, maiselles ne sont pas toujours entourées de nuages, et les savants les plusillustres, parvenus au terme de leur gloire, peuvent sans s'abaisser semontrer à la foule et s'en faire entendre.

Tous ne l'ont pas tenté. Soit dédain, soit impuissance, on a vu de grandsgénies, satisfaits d'un petit nombre de disciples, laisser au temps le soinde faire fructifier leur œuvre et de la répandre. D'autres, au contraire,non moins grands et en même temps plus humains, n'oublient jamais quela vérité est un bien commun, et dégageant pour chacun ce qu'il en peutrecevoir avec profit, ils acquièrent, en exposant leurs propres travaux,l'autorité nécessaire pour répandre ceux des autres et pour les juger. Leurgrande voix, religieusement écoutée, émeut alors par son éloquence et parle prestige d'un nom aimé tout ensemble, et d'une gloire acceptée de tous.

Tel était François Arago.

Né à Estagel, le 26 février 1786, il apprit à lire à l'école primaire deson village. Cette première éducation, complétée par quelques leçons demusique, ne révéla ni la force ni la précocité de son esprit. Arago n'étaitpas cependant un enfant ordinaire. En 1793, la haine de l'étranger lerendait déjà patriote; l'invasion de sa province par les Espagnols avaitfait naître en lui une vive irritation. Un jour, après une bataille perdueà Peirestortes, cinq fuyards espagnols traversaient son village. Le jeuneFrançois, qui les vit arriver, courut bien vite s'armer d'une lance oubliéechez lui par un soldat, et, s'embusquant au coin d'une rue, frappa de lapointe le conducteur du peloton: c'est la seule fois que la colère d'Aragose soit archarnée sur un ennemi vaincu; il était alors âgé de sept ans.

Le père d'Arago, nommé trésorier de la monnaie, alla résider à Perpignan,et le jeune François devint élève externe du collége de cette ville.Il était fort assidu aux jeux des enfants de son âge, et ses études ensouffraient un peu. La lecture des classiques français, qui eut toujourspour lui un irrésistible attrait, ne lui causait pas de moindresdistractions. Peu capable d'ailleurs de discipline, il négligeaitdécidément les thèmes et les versions, lorsqu'il apprit par hasard qu'unjeune homme studieux pouvait, sans aucune recommandation, entrer à l'Écolepolytechnique et y gagner rapidement l'épaulette. Se procurant aussitôt leprogramme de l'examen, il commença à se préparer seul. Excité bien plusqu'effrayé par la difficulté d'une telle tâche, son esprit actif etdésireux de savoir se plongea dans les études scientifiques avec autantde plaisir que d'application et de succès. Dès qu'il eut atteint l'âgeréglementaire de seize ans, Arago partit sans crainte pour concourir àMontpellier; mais l'examinateur, tombé malade à Toulouse, retourna à Parissans achever sa tournée. Le jeune candidat dut attendre l'année suivante,et fut reçu le premier.

La science lui fit bien vite oublier le désir de d

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