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UN ENTRETIEN PAR MOIS
TOME QUATORZIÈME
PARIS
ON S'ABONNE CHEZ L'AUTEUR,
RUE DE LA VILLE L'ÉVÊQUE, 43.
1862
L'auteur se réserve le droit de traduction et de reproduction àl'étranger.
REVUE MENSUELLE.
XIV
Paris.—Typographie de Firmin Didot frères, fils et Cie, rue Jacob, 56.
DEUXIÈME PARTIE.
Quoi qu'il en soit de ce vœu, comme de tant d'autres, le livre deM. de Marcellus est un des livres de jeunesse qui sont les plus doux àemporter dans son bagage de voyageur ou à feuilleter dans son âgeavancé, quand on veut se donner une odeur du printemps de (p. 6) lavie; on y vogue, on y change d'horizon à tous les levers de l'aurore;on y chante à demi-voix les vers mémoratifs de ses études, on y parlela plus riche et la plus sonore des langues; et, par-dessus tout, on ycause avec un compagnon de route toujours instruit, toujoursspirituel, toujours tempéré et souriant, qui semble avoir en lui laprécoce et froide sagesse du vieillard à côté des belles illusions dela vie.
Ce livre est bien loin d'avoir autant de réputation qu'il en mérite.La tombe, comme le lever du vrai jour, rendra à M. de Marcellus toutela justice que l'ignorance ou le préjugé des partis lui a faitattendre. C'est le cours le plus complet et le plus vivant del'archipel grec et ionien qu'un disciple d'Homère ait fait faire à lagénération présente.
Le voyage en Sicile, qu'il fit longtemps après, en 1841, est unepromenade classique autour de l'Etna, de l'histoire, des monuments.Mais cela n'a pas la séve jeune et pittoresque du souvenir d'Orient.On sent que l'homme mûri et désenchanté se promène le soir pour sedonner les consolations et les diversions (p. 7) de la vie active quilui était refusée. Il y a toujours de l'érudition, mais il n'y a plusd'illusions: le soleil baisse. M. de Marcellus pensait à autre chose.
À quoi pensait-il?
Il pensait à un autre livre, la Politique de la Restauration, publiédeux ans après.—Ce livre est une répétition des anecdotes littérairesanalysées par nous au commencement de cette étude. Il y met en corpsce qui était en pages. C'est toujours le très-intéressant récit de sesnégociations entre M. de Chateaubriand, ambassadeur à Londres, et M.Canning, ministre des affaires étrangères du gouvernement britannique,son ami.
Les correspondances de M. de Chateaubriand sont justes, fortes,héroïques. Il veut grandir la politique monarchique de songouvernement, malgré M. de Villèle et malgré les (p. 8) Anglais. Sapersonnalité rigoureuse le tourmente et tourmente tout le monde,jusqu'à ce qu'il ait forcé la main à M. de Villèle et à l'oppositiondu parti libéral, à la politique méticuleuse de M. de Villèle, à lajalousie de M. Canning; il triomphe enfin et vole au congrès deVérone, malgré tout le monde.
Du moment qu'il y paraît, il est le maître, il supplante peuloyalement M. de Montmorency, il entraîne M. de Villèle, il dompte M.Canning, il affronte courageusement l'opposition bonaparti