LE TRÉSOR DES PIÈCES RARES OU INÉDITES.
LA RVELLE MAL ASSORTIE.
OV
ENTRETIENS AMOVREVX
D'VNE DAME ELOQVENTE
Auec vn Caualier Gascon plus beau de corps que
d'esprit et qui a autant d'ignorance
comme elle a de sçauoir,
Par MARGVERITE DE VALOIS.
A PARIS,
CHEZ AVGVSTE AVBRY, LIBRAIRE,
RVE DAVPHINE, No 16.
M DCCC LV.
Texte conforme à l'édition de 1644.
Tallemant des Réaux, dans l'historiettequ'il a consacrée à Marguerite de Valois,première femme de Henri IV, s'exprime ainsi:«Elle parloit phébus selon la mode de cetemps-là, mais elle avoit beaucoup d'esprit.On a une pièce d'elle qu'elle a intituléeLa Ruelle mal assortie, où l'on peut voirquel était son style de galanterie». Suivantles éditeurs de Tallemant, «cette pièce neparoissoit pas avoir été imprimée.» AussiM. F. Guessard, chargé par la Société del'histoire de France, de donner une édition desMémoires et des Lettres de Marguerite1,fit, pour retrouver le texte de la Ruelle, denombreuses recherches qui aboutirent enfin àla découverte d'une copie conservée dans lesmanuscrits de Fontanieu, à la Bibliothèqueroyale. Mais la Société, un peu trop prude desa nature, ne permit pas à M. Guessard dejoindre la Ruelle à son volume. Il put seulementla publier à part, et des exemplaires enfurent distribués aux membres de la Société quien firent la demande.
A l'époque où M. Guessard publia cette pièce,qu'il avait tant de raisons de croire inédite, unlittérateur distingué, feu M. A. Bazin, adressaà M. Paulin Paris une lettre que celui-ci adonnée, il y a quelques mois, dans son éditionde Tallemant des Réaux. «La Ruelle, disait-il,existait déjà imprimée, tout juste depuisdeux siècles, dans un volume publié par lefécond Charles Sorel, et ayant pour titre:Novveav Recveil des pieces les plvs agréablesde ce temps, en svite des Ievx de L'Inconnvet de la Maison des Ievx. Paris, chezNicolas de Sercy, 1644.» La Ruelle en effet yfigure à la page 95, et à la Table des pièceselle est annoncée en ces termes: La Ruelle malassortie, ou Entretiens amoureux d'vne DameEloquente auec vn Caualier Gascon, plusbeau de corps que d'esprit, et qui a autantd'ignorance comme elle a de sçauoir; Dialoguevulgairement appellé la Ruelle de laR. M.
M. Bazin ajoute ensuite avec raison que,«comparé au texte donné par M. Guessard, letexte de Sorel offre de nombreuses variantes,presque toujours à l'avantage de celui-ci.» Deplus, les répliques du cavalier y sont non pasen français, mais en ce langage franco-gasconque l'on retrouve dans le Baron de Fœneste, etenfin, la dame y est désignée par le nomd'Uranie. L'auteur du Divorce Satyrique faisaitprobablement allusion à la Ruelle, lorsqu'ilreproche à la princesse d'avoir «usurpé àtort le nom d'Uranie».
Sorel, comme on vient de le voir, s'est bornéà désigner la reine Marguerite, c'est-à-direl'auteur de la Ruelle, par les deux initialesR. M. que ses contemporains expliquaient sansdifficulté.
Il semble même, par un motif facile à concevoir,avoir cherché à déguiser encore l'originede cet écrit assez compromettant pour la vertud'une princesse de sang royal, première femmede l'aïeul du roi régnant: car dans une autrepièce de son recueil, le Jeu du Galand, quiprécède immédiatement la Ruelle, il