Note au lecteur de ce fichier numérique:

Seules les erreurs clairement introduites par le typographe ont étécorrigées.

HISTOIRE DE FRANCE

PAR
J. MICHELET

NOUVELLE ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE

TOME TREIZIÈME

PARIS
LIBRAIRIE INTERNATIONALE
A. LACROIX & Cie, ÉDITEURS
13, rue du Faubourg-Montmartre, 13

1877
Tous droits de traduction et de reproduction réservés.

HISTOIRE DE FRANCE

(p. 1) CHAPITRE PREMIER
LIGUE DE LA COUR CONTRE GABRIELLE
1598

La chanson si populaire de Charmante Gabrielle, la plainte amoureusedu roi sur sa cruelle départie, ne fut pas, comme on l'a dit, faite audépart pour la guerre, mais, au contraire, au retour, et quinze joursaprès la paix. Il la fit et l'adressa dans une courte séparationqu'amenèrent les couches de son second fils. Il a la bonne foi d'avouerqu'il n'est pas tout à fait l'auteur. «J'ai dicté, dit-il, mais nonarrangé.»

L'air tendre, ému, solennel, a quelque chose de religieux et semble d'unancien psaume. Les paroles, peu poétiques, riment tant bien que mal unsentiment vrai, l'aimable ressouvenir des maux qu'on ne souffrira(p. 2) plus. C'est la première et charmante émotion de la paix.Parents, amis ou amants, on se retrouve donc enfin, et pour ne plus sequitter. Plus de cruelle départie, et chacun sûr de ce qu'il aime. Cesourire, mêlé d'une larme, regarde encore vers le passé.

De toute l'ancienne monarchie, il reste à la France un nom, Henri IV,plus, deux chansons. La première est Gabrielle, ce doux rayon de lapaix après les horreurs de la Ligue. La seconde chanson, c'estMarlborough, une dérision de la guerre, une ironie innocente parlaquelle le pauvre peuple de Louis XIV se revengeait de ses revers.

Henri IV croyait à la paix, espérait soulager le peuple, rêvait lebonheur, l'abondance. Dans ses lettres, il est tout homme, tout nature,et naïvement, dit la pensée du moment. Il semble que le sobre Gasconsoit devenu un Gargantua! «Envoyez-moi des oies grasses du Béarn, lesplus grasses que vous pourrez, et qu'elles fassent honneur au pays.»C'est la première lettre qu'Henri IV ait écrite depuis le traité; lapaix fut signée le 2 mai, la lettre est du 5.

Il ne faut pas oublier que l'on avait faim depuis quarante ans. Silongtemps alimentée de mots et de controverses, la France voulaitquelque autre chose. Henri IV parlait ici pour elle et la représente.Pour lui, ses goûts étaient autres; mais en cela et en tout, même enamour, malgré sa réputation populaire, il était homme de paroles, bienplus que de réalité.

Entre lui et Gabrielle, le contraste était parfait. Lui, maigre et vif,infiniment jeune d'esprit sous sa barbe grise, quoique très-fatigué decorps et très-entamé. (p. 3) Elle, extrêmement positive, déjà replète àvingt-six ans. Dans le dessin qui doit être son dernier portrait (dessinde la Bibliothèque), sa face s'épanouit comme un triomphal bouquet delis et de roses. Adieu la svelte demoiselle (des dessins deSainte-Geneviève). C'est une épouse, une mère, et la mère des grosVendôme. Si ce n'est la reine encore, c'est bien la maîtresse du roi dela paix, le type et le brillant augure des sept années grasses quidevaient succéder aux maigres, mais dont à peine on vit l'aurore.

Une réponse d'Henri IV à Gabrielle nous apprend qu'elle lui reprochaitalors «d'aimer moins qu'elle n'aimait,» en d'autres termes, d'ajourner,d'éluder le mariage. Elle pouss

...

BU KİTABI OKUMAK İÇİN ÜYE OLUN VEYA GİRİŞ YAPIN!


Sitemize Üyelik ÜCRETSİZDİR!