UN ENTRETIEN PAR MOIS
TOME DIX-NEUVIÈME
PARIS
ON S'ABONNE CHEZ L'AUTEUR,
RUE DE LA VILLE-L'ÉVÊQUE, 43.
1865
L'auteur se réserve le droit de traduction et de reproduction àl'étranger.
REVUE MENSUELLE.
XIX
Paris.—Typographie de Firmin Didot frères,imprimeurs de l'Institut et de la Marine, 56, rue Jacob.
Quelle que soit l'opinion qu'on se fasse du principe divin ou humainde l'autorité spirituelle ou temporelle de la papauté en Europe, ilest impossible de nier que les papes soient des (p. 6) souverains,soit en vertu d'un mandat de Dieu, soit en vertu d'une antiquetradition humaine; qu'en vertu du titre surhumain, leur autorité, sousle rapport spirituel, soit sacrée; et qu'en vertu du titre depossession humaine et traditionnelle, leur gouvernement soitrespectable. Les gouvernements, monarchies ou républiques, traitentavec eux, leur envoient des ambassades ou en reçoivent d'eux,concluent des concordats ou des conventions avec eux, et sont tenus deles exécuter par le simple respect de leur parole, jusqu'à ce qu'ilssoient périmés ou modifiés d'un consentement commun; en un mot ilsgouvernent légitimement la portion d'empire qui leur a été dévolue surce globe.
Détrôné pour cause de papauté, est un axiome de droit public qui n'apas encore été admis sur la terre.
Qu'on n'admette pas le mélange sacrilége du spirituel et du temporel,c'est libre à chacun; mais qu'on ne reconnaisse pas le gouvernementtemporel de la papauté parce que le pape exerce comme pape desfonctions ecclésiastiques à Rome ou ailleurs, c'est confondre les deuxpuissances et passer soi-même d'un ordre (p. 7) d'idées dans unautre. Les papes ont donc comme souverains un gouvernement.
Or, du moment où les papes ont un gouvernement, ils ont des ministres;et si au nombre de ces ministres ils ont le bonheur de trouver unhomme supérieur, modéré, dévoué jusqu'à l'exil et jusqu'à la mort,comme Sully était censé l'être à Henri IV; si ce rare phénix, né dansla prospérité, éprouvé par les vicissitudes du pouvoir et du temps,continue pendant vingt-cinq ans, au milieu des fortunes les plusdiverses, en butte aux persécutions les plus acerbes et les plusodieuses, à partager dans le ministre, sans cause, les adversités deson maître; si le souverain sensible et reconnaissant a payé de sonamitié constante l'affection, sublime de son ministre, et si cegouvernement de l'amitié a donné au monde le touchant exemple dusentiment dans les affaires, et montré aux peuples que la vertu privéecomplète la vertu publique dans le maître comme dans le serviteur;pourquoi des écrivains honnêtes ne rendraient-ils pas justice ethommage à ce phénomène si rare dans l'histoire des gouvernements, etne proclameraient-ils pas dans Pie VII et dans Consalvi legouvernement de l'amitié?
(p. 8) C'est le véritable nom de ce gouvernement à deux têtes ouplutôt à deux cœurs, qui a traversé tant d'années de calamités sansse diviser, après quoi le ministre est mort de douleur de la mort dusouverain, laissant pour toute fortune une tombe sacrée à celui qu'ila tant aimé.
Voilà l'histoi