JEAN MORÉAS & PAUL ADAM

LES DEMOISELLES
GOUBERT

MŒURS DE PARIS

PARIS
TRESSE & STOCK, ÉDITEURS
8, 9, 10, 11, Galerie du Théâtre-Français
1886

Tous droits réservés

L'auteur et les éditeurs déclarent réserver leurs droits de traduction et de reproduction.

Ce volume a été déposé au Ministère de l'Intérieur (section de la librairie), ennovembre 1886.

OUVRAGES DES MÊMES AUTEURS :

  • LE THÉ CHEZ MIRANDA.

En Préparation :

  • LA PARAPHRASE DES SAINTS ÉVANGILES.

OUVRAGES DE JEAN MORÉAS :

  • LES SYRTES.
  • LES CANTILÈNES.

OUVRAGES DE PAUL ADAM :

  • CHAIR MOLLE.
  • SOI.

DIJON, IMPRIMERIE DARANTIERE, RUE CHABOT-CHARNY, 65

Il a été tiré à part dix exemplaires de cet ouvrage,sur papier de Hollande, numérotés à la presse.

I

Dans le lit de palissandre à cintres,sous les rideaux cramoisis retroussés,M. Goubert agonise, tout violâtredes spasmes d'apoplexie.

Continûment la jambe se meut, et les orteilsbalancés ondulent le drap. Un râle monte, unrâle gras qui grouille dans la gorge étrécie.

La lumière cuivrée de la lampe s'éplore versla tapisserie et ses fleurages d'or, le glacé desétoffes chères, les cadres étincelants des miroirs.Sur le désordre des choses, un silencieux effroi,un recueillement d'attente. Alors le docteur seretourne et, marchant à M. Freysse qui demeureen un coin de la chambre, il l'entraîne vers labibliothèque :

— Il faut s'attendre à tout.

— C'est épouvantable. Et ses filles!

Le docteur étend les bras par un geste vague.Puis la figure angoissée de M. Freysse l'attentionne.Ce monsieur grisonnant, très correctavec sa jaquette anglaise et son col droit, paraîtsoumis à un intime chagrin rare chez les simplesamis des mourants. Les rides fines frissonnent dansle cadre de son poil gris ramené sur les tempes,aiguisé en barbiche pointue :

— Et ses filles?


L'une près l'autre, assises. L'aînée fort pâlefixant de ses yeux froids les rosaces du tapis. Lacadette pleure à rondes larmes ; et les larmesemperlent ses cheveux blonds volutant sur saface mièvre.

— Ruinées. Leur père était ruiné. C'est celaqui le tue aujourd'hui.

M. Freysse conte le krach. Il dit commenttoute la fortune de son ami Goubert se perdit.Infatigable, il parle avec des énumérations dechiffres. Et tout cela s'égrène vite hors ses lèvrestremblées. Du geste il s'anime, offrant à platdes mains blanches ornées, aux petits doigts,de larges cercles en or.

Comme les jeunes filles se refusent absolumentà sortir, on les fait asseoir au bout dela pièce. Une terreur les repousse du lit, uneterreur de la maladie, une appréhension derevoir la face violâtre et d'en avoir peur. Anxieuse,Marceline, l'aînée, vise les mouvementsdu médecin, espérant toujours que ce jeunehomme à la douce figure la rassurera d'un signe.Elle prévoit comme un chaos de calamités. Depuisla mort de sa mère, elle s'occupait entière

...

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