CONTS D'UNE GRAND'MÈRE

LE CHENE PARLANT

LE CHIEN ET LA FLEUR SACRÉEL'ORGUE DU TITANCE QUE DISENT LES FLEURSLE MARTEAU ROUGELA FÉE POUSSIÈRELE GNOME DES HUITRESLA FÉE AUX GROS YEUX
PAR GEORGE SAND

1876

[Note du transcripteur: Ce text utilise l'orthographe du XIXe siècle:siège = siége, piège = piége, etc.]

CONTES D'UNE GRAND'MÈRE

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LE CHÊNE PARLANT
A MADEMOISELLE BLANCHE AMIC

Il y avait autrefois en la forêt de Cernas un gros vieux chêne quipouvait bien avoir cinq cents ans. La foudre l'avait frappé plusieursfois, et il avait dû se faire une tête nouvelle, un peu écrasée, maisépaisse et verdoyante.

Longtemps ce chêne avait eu une mauvaise réputation. Les plus vieillesgens du village voisin disaient encore que, dans leur jeunesse, cechêne parlait et menaçait ceux qui voulaient se reposer sous sonombrage. Ils racontaient que deux voyageurs, y cherchant un abri,avaient été foudroyés. L'un d'eux était mort sur le coup; l'autres'était éloigné à temps et n'avait été qu'étourdi, parce qu'il avaitété averti par une voix qui lui criait:

—Va-t'en vite!

L'histoire était si ancienne qu'on n'y croyait plus guère, et, bienque cet arbre portât encore le nom de chêne parlant, les pâtourss'en approchaient sans trop de crainte. Pourtant le moment vint où ilfut plus que jamais réputé sorcier après l'aventure d'Emmi.

Emmi était un pauvre petit gardeur de cochons, orphelin ettrès-malheureux, non-seulement parce qu'il était mal logé, mal nourriet mal vêtu, mais encore parce qu'il détestait les bêtes que la misèrele forçait à soigner. Il en avait peur, et ces animaux, qui sont plusfins qu'ils n'en ont l'air, sentaient bien qu'il n'était pas le maîtreavec eux. Il s'en allait dès le matin, les conduisant à la glandée,dans la forêt. Le soir, il les ramenait à la ferme, et c'était pitiéde le voir, couvert de méchants haillons, la tête nue, ses cheveuxhérissés par le vent, sa pauvre petite figure pâle, maigre, terreuse,l'air triste, effrayé, souffrant, chassant devant lui ce troupeaude bêtes criardes, au regard oblique, à la tête baissée, toujoursmenaçante. A le voir ainsi courir à leur suite sur les sombresbruyères, dans la vapeur rouge du premier crépuscule, on eût dit d'unfollet des landes chassé par une rafale.

Il eût pourtant été aimable et joli, ce pauvre petit porcher, s'il eûtété soigné, propre, heureux comme vous autres, mes chers enfants quime lisez. Lui ne savait pas lire, il ne savait rien, et c'est tout auplus s'il savait parler assez pour demander le nécessaire, et, commeil était craintif, il ne le demandait pas toujours, c'était tant pispour lui si on l'oubliait.

Un soir, les pourceaux rentrèrent tout seuls à l'étable, et le porcherne parut pas à l'heure du souper. On n'y fit attention que quand lasoupe aux raves fut mangée, et la fermière envoya un de ses gars pourappeler Emmi. Le gars revint dire qu'Emmi n'était ni à l'étable, nidans le grenier, où il couchait sur la paille. On pensa qu'il étaitallé voir sa tante, qui demeurait aux environs, et on se coucha sansplus songer à lui.

Le lendemain matin, on alla chez la tante, et on s'étonna d'apprendrequ'Emmi n'avait point passé la nuit chez elle. Il n'avait pas reparuau village depuis la veille. On s'enquit de lui aux alentours,personne ne l'avait vu. On le chercha en vain dans la forêt. Onpensa que les sangliers et les loups l'avaient mangé. Pourt

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