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MON FRÈRE ET MOI

SOUVENIRS D'ENFANCE ET DE JEUNESSE
PAR
ERNEST DAUDET
PARIS

E. PLON et Cie

1882

_AU LECTEUR

Alphonse Daudet, à qui sont consacrés ces souvenirs, est aujourd'huidans la plénitude de sa renommée. Ses oeuvres, qu'éditeurs et journaux sedisputent, sont traduites dans toutes les langues, populaires à Londrescomme à Paris, à Vienne comme à Berlin, à New-York comme àSaint-Pétersbourg. Si les notes intimes et personnelles qu'on va lireavaient besoin d'une justification, je n'en voudrais pas invoquerd'autre que cette légitime notoriété si bien faite pour les expliquer.

Quant à l'attrait particulier qu'elles peuvent offrir résultant de laparenté qui unit à celui qui en est l'objet celui qui les a écrites, jen'en dirai qu'un mot. Depuis qu'Alphonse Daudet est venu au monde, lavie ne nous a guère séparés. Je reste convaincu que personne ne sauraitparler de l'homme et de l'écrivain avec plus d'exactitude que moi, si cen'est lui; et j'ai en outre l'avantage de pouvoir en dire cequ'assurément il n'oserait pas en dire lui-même.

Longtemps mon esprit a été obsédé par la tentation d'écrire ce récit, defixer, de préciser des souvenirs dont Alphonse Daudet lui-même s'estinspiré souvent dans ses romans et dans ses études. Je me disais qu'enun temps où le roman tend de plus en plus à ne s'alimenter que devérité, où le besoin de sincérité s'impose impérieusement à quiconquetient une plume, ces notes vraies sur un passé déjà lointain n'avaientpas moins chance de plaire qu'une oeuvre de fiction qui ne doit sonsuccès qu'à l'effort de l'auteur pour reproduire exactement l'homme etla vie.

C'est sous cette forme que l'obsession dont je parle a longtemps hantémon esprit. Peut-être l'aurais-je dominée et n'eût-elle jamais eu raisonde mes scrupules, sans l'effort de quelques amis qui se sont attachés àme démontrer que je devais à l'histoire littéraire de ce temps cesdocuments sur mon frère, et que j'étais tenu d'écrire mon récit,dussé-je en ajourner indéfiniment la publication.

Je le commençai donc, ainsi qu'un travail destiné à ne pas sortir ducercle de l'intimité. Mais le destin en avait décidé autrement; iln'était pas encore achevé qu'une affectueuse violence le livrait à lapublicité, sous ce titre: «Alphonse Daudet, par Ernest Daudet.»

On m'accordera la liberté de dire que le succès en fut très-vif auprèsdes lecteurs de la_ Nouvelle Revue. _En revanche, mon frère, que jen'avais pu consulter, car nous étions alors éloignés l'un de l'autre,lui en Suisse, moi en Normandie, s'émut un peu de se voir traité «commeon ne traite que les morts». Il m'écrivait: «Je suis vivant et bienvivant, et tu me fais entrer trop tôt dans l'histoire. J'en sais quidiront que je me suis fait faire une réclame par mon frère.»

Fondée ou non, l'objection venait tardivement. Le livre était lancé; iln'y avait plus qu'à le laisser aller. C'est ce que j'ai fait d'accordavec Alphonse Daudet, après avoir, sur son désir, supprimé desappréciations élogieuses de son talent, sans autorité sous ma plumeamicale, et modifié le titre primitif qu'il jugeait trop bruyant. Il m'aconseillé celui qui figure en tête de ce volume, et quoique j'aietoujours professé la profonde horreur du «moi», j'avais tant à me fairepard

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