Le Frontispice de cet ouvrage a été gravé par Mme Rita Dreyfus. Lesautres planches en couleurs par Georges Beltrand. Les planches en noirpar R. Blot.
Oh! oh! qu'est-ce que cela? Ce garçon a
une folie dans les jambes! Il a été mordu
par la tarentule.
(Tout de travers.)
Il y a quelques années, je me liai intimement avec un M. WilliamLegrand. Il était d'une ancienne famille protestante, et jadis il avaitété riche; mais une série de malheurs l'avait réduit à la misère.Pour éviter l'humiliation de ses désastres, il quitta laNouvelle-Orléans, la ville de ses aïeux, et établit sa demeure dansl'île de Sullivan, près Charleston, dans la Caroline du Sud.
Cette île est des plus singulières. Elle n'est guère composée que desable de mer et a environ trois milles de long. En largeur, elle n'ajamais plus d'un quart de mille. Elle est séparée du continent par unecrique à peine visible, qui filtre à travers une masse de roseaux etde vase, rendez-vous habituel des poules d'eau. La végétation, commeon peut le supposer, est pauvre, ou, pour ainsi dire, naine. On n'ytrouve pas d'arbres d'une certaine dimension. Vers l'extrémitéoccidentale, à l'endroit où s'élèvent le fort Moultrie et quelquesmisérables bâtisses de bois habitées pendant l'été par les gens quifuient les poussières et les fièvres de Charleston, on rencontre, ilest vrai, le palmier nain sétigère; mais toute l'île, à l'exceptionde ce point occidental et d'un espace triste et blanchâtre qui borde lamer, est couverte d'épaisses broussailles de myrte odoriférant, siestimé par les horticulteurs anglais. L'arbuste y monte souvent à unehauteur de quinze ou vingt pieds; il y forme un taillis presqueimpénétrable et charge l'atmosphère de ses parfums.
Au plus profond de ce taillis, non loin de l'extrémité orientale del'île, c'est-à-dire de la plus éloignée, Legrand s'était bâtilui-même une petite hutte, qu'il occupait quand, pour la première foiset par hasard, je fis sa connaissance. Cette connaissance mûrit bienvite en amitié,—car il y avait, certes, dans le cher reclus de quoiexciter l'intérêt et l'estime. Je vis qu'il avait reçu une forteéducation, heureu