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UN ENTRETIEN PAR MOIS
TOME TREIZIÈME
PARIS
ON S'ABONNE CHEZ L'AUTEUR,
RUE DE LA VILLE L'ÉVÊQUE, 43.
1862
L'auteur se réserve le droit de traduction et de reproduction àl'étranger.
REVUE MENSUELLE.
XIII
Paris.—Typographie de Firmin Didot frères, fils et Cie, rue Jacob, 56.
Premier de la septième année.
(QUATRIÈME PARTIE.)
«Tant que les révolutions ne sont pas achevées, l'instinct du peuplepousse à la république; car il sent que toute autre main que lasienne est trop faible pour imprimer l'impulsion (p. 2) qu'il fautaux choses. Le peuple ne se fie pas, et il a raison, à un pouvoirirresponsable, perpétuel et héréditaire, pour faire ce que commandentdes époques de création. Il veut faire ses affaires lui-même. Sadictature lui paraît indispensable pour sauver la nation. Or ladictature organisée du peuple, qu'est-ce autre chose que larépublique? Il ne peut remettre ses pouvoirs qu'après que toutes lescrises sont passées, et que l'œuvre révolutionnaire estincontestée, complète et consolidée. Alors il peut reprendre lamonarchie et lui dire de nouveau: «Règne au nom des idées que je t'aifaites!»
«L'Assemblée constituante fut donc aveugle et faible de ne pas donnerla république pour instrument naturel à la Révolution. Mirabeau,Bailly, La Fayette, Sieyès, Barnave, Talleyrand, Lameth, agissaient encela en philosophes, et non en grands politiques. L'événement l'aprouvé. Ils crurent la Révolution achevée aussitôt qu'elle fut écrite;ils crurent la monarchie convertie aussitôt qu'elle eut juré laconstitution. La Révolution n'était que commencée, et le serment de laroyauté à la Révolution était aussi vain que le serment de laRévolution (p. 3) à la royauté. Ces deux éléments ne pouvaients'assimiler qu'après un intervalle d'un siècle. Cet intervalle,c'était la république. Un peuple ne passe pas en un jour, ni même encinquante ans, de l'action révolutionnaire au repos monarchique. C'estpour l'avoir oublié à l'heure où il fallait s'en souvenir, que lacrise a été si terrible et qu'elle nous agite encore. Si la Révolutionqui se poursuit toujours avait eu son gouvernement propre et naturel,la république, cette république eût été moins tumultueuse et moinsinquiète que nos cinq tentatives de monarchie. La nature des temps oùnous avons vécu proteste contre la forme traditionnelle du pouvoir. Àune époque de mouvement, un gouvernement de mouvement, voilà la loi!
«L'Assemblée nationale, dit-on, n'en avait pas le droit: elle avaitjuré la monarchie et reconnu Louis XVI; elle ne pouvait le détrônersans crime! L'objection est puérile, si elle vient d'esprits qui necroient pas à la possession des peuples par les dynasties. L'Assembléeconstituante, dès son début, avait proclamé le droit inaliénable despeuples et la légitimité des insurrections (p. 4) nécessaires. Leserment du Jeu de Paume ne consistait qu'à jurer désobéissance au roiet fidélité à la nation. L'Assemblée avait ensuite proclamé Louis XVIroi