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Oscar Wilde
Grande fut ma surprise, un matin en me réveillant, d'entendre leschevaux piaffer sous mes fenêtres; j'allais m'enquérir de la causede ces préparatifs inusités, quand ma porte s'ouvrit et livrapassage à mon ami Robert, équipé pour la chasse.
— Allons, paresseux! me dit-il en riant; dépêchons, il est tempsde partir.
— Partir?… où allons-nous donc?
— Faire une tournée de chasse dans l'ouest.
Cinq minutes plus tard, j'étais dans la cour. Deux bushmentenaient en main quatre chevaux sellés: de rudes hommes, cesserviteurs de Robert; des gaillards à figure rébarbative, ornée delongues barbes incultes, coiffés de vieux feutres déformés, vêtusd'une grosse chemise de laine rouge, de culottes de toile et degrandes bottes de cuir fauve. Pour compléter le costume, chacund'eux portait à la ceinture un gros revolver, un couteau dechasse, et, en bandoulière, une lourde carabine.
Quelques minutes plus tard, nous galopions dans la plaine, suivisd'une légère voiture appelée buggy, conduite par un cuisiniernègre, et contenant les provisions. Devant nous gambadaient Néroet Trim, deux braques dressés spécialement à la chasse del'opossum.
Ceci, cher lecteur, se passait en Australie, il y a maintenantcinq ans.
Les hasards de ma vie aventureuse m'avaient conduit à Sidney,capitale de la Nouvelle-Galles du Sud; j'allais quitter cetteville pour me rendre à Melbourne quand, la veille de mon départ,je rencontrai Robert, un ami d'enfance que je n'avais pas vudepuis notre sortie du collège.
— Je t'emmène, me dit-il, après m'avoir donné une vigoureuseaccolade.
— Où cela?
— Chez moi, à Robertville, sur les bords du Macquarie.
Je me laissai facilement entraîner, et, huit jours plus tard,j'étais installé dans la demeure de mon ami, Robert, qui avaitperdu ses parents très jeune, était venu chercher fortune enAustralie; il s'était livré à l'élevage du bétail, modestementd'abord, mais chaque année augmentant le nombre de ses troupeauxet l'étendue de ses pâturages. Maintenant, soixante bushmengardaient dans des plaines immenses ses innombrables troupeaux deboeufs et de moutons; Robert était devenu un des plus richeséleveurs de la contrée…
Sa maison, une coquette demeure entourée de logements plus petitspour ses serviteurs, s'élevait non loin de la rivière, dans unbouquet d'eucalyptus et de fougères arborescentes.
J'y étais depuis quinze jours et je songeais au départ, quand lapartie de chasse organisée par mon ami vint déranger tous mesprojets.
Cependant, nous galopions toujours dans une plaine magnifique, oùl'herbe poussait haute et drue; de temps à autre, nous apercevionsun troupeau de moutons gardés par un bushman à cheval; ilaccourait bride abattue pour saluer le maître, et lui donner desnouvelles des bêtes.
A midi, nous fîmes halte dans une ferme appartenant à unIrlandais, M O'.Ryan, qui vivait là avec, Mme O'Ryan, son épouse,et une douzaine de bambins plus frais, plus roses et plus blondsles uns que les autres.
Après un repas copieux et une heure de repos, nous reprenionsnotre course à travers une contrée fertile et boisée, maisabsolument déserte.
— Nous ne verrons plus de maisons avant le retour, m'avait ditRobert en quittant la ferme de O'Ryan; c'est le dern