CARA

PAR

HECTOR MALOT

E.D.
PARIS

E. DENTU, ÉDITEUR

Libraire de la Société des Gens de Lettres
PALAIS ROYAL, 15-17-19, GALERIE D'ORLÉANS

1878


 Dédié

À FERDINANDFABRE

Son ami

H.M.



CARA

PREMIÈRE PARTIE

HAUPOIS-DAGUILLON(Ch. P.), [Poinçon] orfèvre fournisseur descoursd'Angleterre, d'Espagne, de Belgique, de Grèce, rue Royale,maisons àLondres Regent street, et à Madrid, calle de la Montera.—(0)1802-6-19-23-27-31-44-40.—(P.M.) Londres, 1851.—(A) New-York,1853.—Hors concours, Londres 1862 et Paris 1867.

C'est ainsi que se trouve désignée dans le Bottinune maisond'orfèvrerie qui, par son ancienneté,—près d'unsiècled'existence,—par ses succès artistiques,—(0)(A) médaillesd'or etd'argent à toutes les grandes expositions de la France et del'étranger,—par sa solidité financière, par sonhonorabilité, est unedes gloires de l'industrie parisienne.

Jusqu'en 1840, elle avait été connue sous le seul nomde Daguillon; maisà cette époque l'héritier unique de cette vieillemaison était unefille, et celle-ci, en se mariant, avait ajouté le nom de sonmari àcelui de ses pères: Haupois-Daguillon.

Ce Haupois (Ch. P.) était un Normand de Rouen venu, dans uneheured'enthousiasme juvénile, de sa province à Paris pourêtre statuaire,mais qui, après quelques années d'expérience,avait, en esprit aviséqu'il était, pratique et industrieux, abandonné l'artpour le commerce.

Il n'eût très-probablement été qu'unmédiocre sculpteur, il était devenuun excellent orfèvre, et sous sa direction, quiréunissait dans unejuste mesure l'inspiration de l'artiste à l'intuition età la prudencedu marchand, les affaires de sa maison avaient pris undéveloppement quiaurait bien étonné le premier des Daguillon si, revenantau monde, ilavait pu voir, à partir de 1850, la chiffre des inventaires deseshéritiers.

Il est vrai que dans cette direction il avait étépuissamment aidé parsa femme, personne de tête, intelligente, courageuse,résolue, âpre augain, dure à la fatigue, en un mot, une de ces femmes decommerce qu'iln'était pas rare de rencontrer il y a quelques annéesdans labourgeoisie parisienne, assises à leur comptoir ouderrière le grillagede leur caisse, ne sortant jamais, travaillant toujours, et n'entrantdans leur salon, quand elles en avaient un, que le dimanche soir.

En unissant ainsi leurs efforts, le mari et la femme n'avaient pointeupour but de quitter au plus vite les affaires, après fortunefaite, pourvivre bourgeoisement de leurs rentes. Vivre de ses rentes,l'héritièredes Daguillon l'eût pu, et même très-largement,à l'époque à laquelleelle s'était mariée. Pour cela elle n'aurait euqu'à vendre sa maison decommerce. Mais l'inaction n'était point son fait, pas plus quelesloisirs d'une existence mondaine n'étaient pour lui plaire.C'étaitl'action au contraire qu'il lui fallait, c'était le travailqu'elleaimait, et ce qui la passionnait c'étaient les affaires,c'était lecommerce pour les émotions et les orgueilleuses satisfactionsqu'ilsdonnent avec le succès.

Il était venu ce succès, grand, complet, superbe, età mesure qu'étaientarrivées les médailles et les décorations,à mesure qu'avait grossi lechiffre des inventaires, les satisfactions orgueilleuses étaientvenuesaussi, de sorte que d'années en années le mari et lafemme, avaient étéde plus en plus fiers de leur nom: Haupois-Daguillon, c'étaittout dire.

Deux enfants étaient nés de leur mariage, une fille,l'aînée, et, parune grâce vraiment providentielle, un fils qui continuera

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