PICOUNOC
LE MAUDIT

P. LEMAY



TOME I

QUÉBEC

TYPOGRAPHIE DE C. DARVEAU
82, rue de la Montagne.

1878



PROLOGUE

LE MEURTRE



I

OU LE BOUT DE L'OREILLE SE MONTRE.


--Salve, domine, dit l'ex-élève.

--Bonjour! bonjour! répondit Picounoc.

--Tu jardines?

--Je sarcle mes allées.

--Quid novi? quelles nouvelles?

--Je me marie.

--Tu te maries? Tu quoque!

--Oui, répliqua Picounoc en s'appuyant sursa gratte.

--Avec qui?

--Avec Aglaé Larose.

--Rosa, Rosae, Larose de la Rose... quand?

--Vers la Toussaint.

--Je t'en souhaite!

--Merci.

--Elle est bien!

--Pas mal: blanche, fraîche....

--Je veux dire qu'elle est riche.

--Riche? non; mais elle a une terre et unbon roulant.

--Il paraît que tu ne l'aimes pas?

--Elle m'aime, elle, et, veut devenir mafemme: je me laisse faire....

Tu comprends qu'il n'est pas facile derésister au désir de posséder une belle...ferme.

--Tu es bien toujours le même, Picounoc.

--Ecoute un peu, Paul, je n'ai pas de secretpour toi. J'ai aimé, j'aime et j'aimerai toujours.Celle que j'aime, tu la connais, c'estNoémie... Elle est la femme d'un autre....Eh bien! puisque de ce côté le bonheur m'estravi, je n'estime plus les femmes que d'aprèsleur dot, et je voudrais devenir veuf tous lesans pour me remarier toujours avec des fillesavantageuses.

--Si tu parlais sérieusement je te mépriserais,et j'irais de suite avertir ta fiancée.

--Mais je suis sérieux.... Je suis un maudit,tu sais, et le fils d'un maudit... donc il fautque je fasse mon oeuvre.

En parlant ainsi Picounoc s'animait, sa voixdevenait aigre et ses yeux s'injectaient de sang.L'ex-élève s'éloigna lentement, la tête basse,et prit le chemin de la concession de St.Eustache. Aux premières maisons du villageil rencontra Aglaé Larose vêtue de sa robedes dimanches. Elle s'en allait à confesse.

--Bonjour, la mariée! dit-il avec un souriretriste.

Une rougeur subite monta au front de lajeune fille, et sa démarche parut plus gauche.

--Arrête-donc, reprit l'ex-élève, j'ai quelquechose à te dire.

Se doutant bien qu'il allait lui parler de sonbien-aimé, elle se retourna et un sourireéclaira ses yeux.

--Qu'est-ce donc? dit-elle, dépêche-toi; jeveux me rendre à l'église avant qu'il fassenoir.

Il était cinq heures et demie du soir, alors,et elle avait une lieue à faire pour atteindrel'église, car elle se trouvait près du calvaire,à Lotbinière--C'est à Lotbinière que noussommes toujours.

--Voudrais-tu épouser un homme qui net'aimerait pas sincèrement? dit brusquementl'ex-élève.

Aglaé parut surprise de cette question.

--Pourquoi me demandes-tu cela? répondit-elleaprès un moment.

--Parce que je m'intéresse à toi.

--Est-ce que l'on peut se marier sans aimerprofondément?

--Je viens de rencontrer un garçon sur lepoint de prendre femme, et qui ne cache pasdu tout son indifférence à l'égard de safuture.

--Qui donc? fit Aglaé légèrement anxieuse.

--Je ne le dis pas, cela te chagrinerait.

La jeune fille pâlit et pencha la tête. L'ex-élèvereprit:

--Aglaé, tu es une bonne fille; ta mère està l'aise; tu aurais pu... tu pourrais trouverun autre parti que Picounoc....

--Il me semble que l'on ne peut dire grand'chosecontre lui. S'il fallait écouter tous lespropos....

--Picounoc ne t'aime pas; i

...

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