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MAGIE PASSIONNELLE

LA DEUX FOIS MORTE

PAR
JULES LERMINA

                             PARIS
                       CHAMUEL, ÉDITEUR
               79, Rue Du Faubourg-Poissonnière
                   (Près la rue Lafayette)

1895

I

A peine eus-je posé le pied sur la terre de France—au retour de lalongue mission qui m'avait retenu pendant près de trois années dansl'extrême Orient—que je me mis en route pour le coin de Sologne oùs'étaient cloîtrés mes amis.

J'avais naguère trouvé assez étrange cette idée de s'aller enfermer avecune jeune femme, presque une enfant, dans une solitude morose, et celadès le lendemain d'un mariage que j'avais d'ailleurs fort approuvé,en raison de la camaraderie qui avait unis enfants ceux qui devenaientépoux.

Je les avais dès lors surnommés Paul et Virginie, et je continuerai àles désigner ainsi, estimant que l'impersonnalité convient aux faitssinguliers dont je veux en ce récit conserver le souvenir.

De dix ans plus âgé que Paul, je m'étais toujours intéressé à soncaractère. Sa nervosité excessive souvent m'avait effrayé, quoique ensomme elle ne me parût exercer sur ses actes aucune influence mauvaiseet ne se traduisît d'ordinaire que par une rare ténacité de volonté.

J'ai toujours eu grand goût pour les sciences naturelles, avant mêmeque l'éducation et les circonstances aient fait de moi le très modestesavant que je suis. Mais je n'ai jamais été doué que d'une mémoire trèsrelative. Ce qui me fait surtout défaut, c'est la mémoire dite visuelle.Par exemple, si je rencontre dans mes excursions de botaniste quelquefleur dont l'éclat ou l'originalité de structure m'enchantent, il m'estpresque impossible, une fois dans mon cabinet, de reconstituer en imagecérébrale la silhouette ou la couleur qui m'ont ravi tout à l'heure.

Il en allait tout autrement de Paul. S'était-il trouvé avec moi aumoment de l'observation, le lendemain et même plusieurs jours aprèsil me suffisait de lui rappeler le moindre détail pour qu'aussitôt, ducrayon et du pinceau, il reproduisît avec une étonnante exactitude,en les plus minutieuses particularités, la plante qui avait attiré monattention. Bien plus, ses yeux, qui devenaient fixes et regardaientdroit devant lui comme s'ils eussent percé la muraille pour retrouverle modèle, avaient, dans leur étonnante faculté devision—rétrospective—visé, reconnu, conservé des accidents de tissusou de teintes qui m'avaient échappé. A ce point qu'il m'arrivait d'allervérifier par moi-même s'il n'obéissait pas à un jeu de sa fantaisie. Ence sens, jamais je ne le pris en défaut.

Aussi, lorsque je le conduisais au théâtre, à la ville voisinedu château qu'habitait sa famille, pendant plusieurs jours, jele surprenais immobile, étranger à tout ce qui l'entourait. A mesquestions, il répondait qu'il était occupé à revoir la pièce vue. Si jele pressais, alors il me peignait d'une voix lente et recueillietoutes les péripéties théâtrales, leur rendant une vie que nous aurionsqualifiée de factice, mais qui pour lui, je l'ai compris depuis, était

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