Note du transcripteur.

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Ce document est tiré de:


OEUVRES COMPLÈTES DE

SHAKSPEARE


TRADUCTION DE

M. GUIZOT


NOUVELLE ÉDITION ENTIÈREMENT REVUE

AVEC UNE ÉTUDE SUR SHAKSPEARE

DES NOTICES SUR CHAQUE PIÈCE ET DES NOTES


Volume 2

Jules César.

Cléopâtre.—Macbeth.—Les Méprises.

Beaucoup de bruit pour rien.


PARIS

A LA LIBRAIRIE ACADÉMIQUE

DIDIER ET Ce, LIBRAIRES-ÉDITEURS

35, QUAI DES AUGUSTINS


1864

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JULES CÉSAR


TRAGÉDIE




NOTICE SUR JULES CESAR

Parmi les tragédies de Shakspeare que l'opinion a placées au premierrang, Jules César est celle dont les commentateurs ont parlé leplus froidement. Le plus froid de tous, Johnson, se contente de dire:«Plusieurs passages de cette tragédie méritent d'être remarqués, eton y a généralement admiré la querelle et la réconciliation de Brutuset de Cassius; mais jamais en la lisant je ne me suis senti fortementagité, et en la comparant à quelques autres ouvrages deShakspeare, il me semble qu'on la peut trouver assez froide et peupropre à émouvoir.»

C'est adopter un principe de critique entièrement faux que de jugerShakspeare d'après lui-même, et de comparer les impressionsqu'il a pu produire, dans un genre et dans un sujet donnés, aveccelles qu'il produira dans un autre sujet et un autre genre, commes'il ne possédait qu'un mérite spécial et singulier qu'il fût tenu de déployerdans chaque occasion, et qui restât le titre unique de sa gloire.Ce génie vaste et vrai veut être mesuré sur une échelle plus large;c'est à la nature, c'est au monde qu'il faut comparer Shakspeare: et,dans chaque cas particulier, c'est entre la portion du monde et de lanature qu'il a dessein de représenter et le tableau qu'il en fait, que sedoit établir la comparaison. Ne demandez pas au peintre de Brutusles mêmes impressions, les mêmes effets qu'à celui du roi Lear ou deRoméo et Juliette; Shakspeare pénètre au fond de tous les sujets, etsait tirer de chacun les impressions qui en découlent naturellement,et les effets distincts et originaux qu'il doit produire.

Qu'après cela, le spectacle de l'âme de Brutus soit, pour Johnson,moins touchant et moins dramatique que celui de telle ou telle passion,de telle ou telle situation de la vie, c'est là un résultat des inclinationspersonnelles du critique, et du tour qu'ont pris ses idées etses sentiments; on n'y saurait trouver une règle générale, sur laquellese doive fonder la comparaison entre des ouvrages d'un genre absolumentdifférent. Il est des esprits formés de telle sorte que Corneilleleur donnera plus d'émotions que Voltaire, et une mère se sentira plustroublée, plus agitée à Mérope qu'à Zaïre. L'esprit de Johnson, plusdroit et plus ferme qu'élevé, arrivait assez bien à l'intelligence desintérêts et des passions qui agitent la moyenne région de la vie, maisil ne parvenait guère à ces hauteurs où vit sans effort et sans distractionune âme vraiment stoïque. Le temps de Johnson n'était pasd'ailleurs celui des grands dévouements; et bien que, même à cetteépoque, le climat politique de l'Angleterre préservât un peu sa littératurede cette molle influence qui avait énervé la nôtre, elle ne pouvaitcependant échapper entièrement à cette disposition générale desesprits, à cette sorte de matérialisme moral, qui n'accordant, pourainsi dire, à l'âme aucune autre vie que celle qu'elle reçoit du chocdes objets extérieurs, ne supposait pas qu'on pû

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