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La célèbre madame Dacier, vivement pressée par un voyageur étrangerd'ajouter quelque chose à son nom, dans le livret où il consignaittoutes les illustrations de l'époque, céda enfin à ses honorablesinstances, et traça sur les tablettes ce vers d'un poète grec, dont lesens est que le silence est le plus bel ornement d'une femme. Je nedoute pas que l'aimable et intéressant auteur de Malvina, d'AmélieMansfield, de Mathilde, et enfin des Exilés de Sibérie, n'eûtopposé la même résistance aux mêmes sollicitations. Mais, arrachéemalgré elle à sa modeste obscurité, devenue auteur sans l'avoir voulu,et célèbre sans le savoir, madame Cottin dut se résigner pendant sa vieet après sa mort à l'éclat et aux inconvénients de cette célébritéqu'elle fuyait, et qui vint la chercher. Celle qui eût voulu n'écrireque pour elle et pour ses amis; qui bornait ses succès à leurssuffrages, et ne voyait, au-delà du cercle qui l'environnait, qu'unebruyante et orageuse renommée souvent disputée péniblement, et presquetoujours payée bien plus qu'elle ne vaut: celle enfin qui ne voulaitpas même qu'une femme écrivît, a pris et conservera parmi les femmesauteurs un rang distingué; a vu ses ouvrages entre les mains d'unefoule de lecteurs, et a cessé de s'appartenir à elle-même pour mériteret recueillir les honneurs du triomphe public. Tout cela s'est fait auhasard, et pour ainsi dire à son insu, sans qu'il y entrât de sa partaucun calcul d'amour-propre, aucune de ces petites ruses d'un orgueilhypocrite et maladroitement déguisé sous les couleurs d'une modestieprétendue, qui n'abuse et ne trompe personne. De pareils moyens étaienttrop étrangers au caractère, aux sentiments, et aux habitudes de madameCottin. Suivons-la un moment, pour nous en convaincre, dans les détailsde sa vie privée. Ces détails seront simples: quelques bons ouvrages,un plus grand nombre de bonnes actions; des services rendus avec laplus touchante délicatesse; voilà toute l'histoire de l'auteurd'Elisabeth.
Née à Tonneins, en 1773, SOPHIE RISTAUD fut élevée à Bordeaux, par lessoins et sous les yeux d'une mère qui, amie éclairée des arts et deslettres, en inspira de bonne heure le goût à sa fille. Devenue àdix-sept ans l'épouse d'un riche banquier, madame Cottin vint prendredans la capitale le rang que sa fortune et sa position nouvelle luiassignaient dans la société. Si jeune encore, et dans l'âge de toutesles séductions, entourée de tout ce qui peut les provoquer, et avectous les moyens de les satisfaire, elle apporta et sut conserver aumilieu de Paris, et dans l'hôtel d'un banquier, la simplicité de sesgoûts, son amour de la retraite et des occupations paisibles. Ellen'eut que trop tôt la liberté de s'y livrer tout entière! Restée veuveau bout de trois ans d'une union complètement heureuse si elle n'eûtpas été stérile, madame Cottin chercha et trouva dans l'exercicehabituel de la pensée et la culture de ses talents des consolationsplus dignes d'elle, que les vaines distractions qu'un inonde frivole etléger s'empressait d'offrir à sa douleur. Jusqu'alors elle s'étaitbornée à jeter sur le papier, mais sans suite, sans ordre, et surtoutsans prétention, ce qu'elle appelait ses essais; elle ne songeait pointà s'élever aux grandes compositions, à faire, en un mot, des ouvrages.Une circonstance imprévue lui