Il est des peuples auxquels on accorde tout, d'autres auxquels on refusetout: dans notre vieux coin occidental de l'Europe, s'entend.
Et quand on voit, en France, bon nombre de Français refuser à leurpropre pays le privilège d'avoir créé et possédé un art original tenantà son génie, on ne peut trop être surpris si l'on dénie à d'autresnations ce même privilège.
Cependant, l'objection principale opposée à l'existence d'un art russereposait et repose encore dans beaucoup d'esprits sur ce que l'empirerusse est formé d'éléments extrêmement variés, disparates, et que ceséléments n'auraient pas été, par leur diversité même, dans lesconditions favorables à l'éclosion d'un art original.
Mais on pourrait en dire autant de la plupart des peuples qui ontcependant su créer des arts reconnaissables à leur caractère et à leurstyle.
Les Grecs étaient un composé de races assez diverses.
Les Égyptiens eux-mêmes appartiennent à plusieurs rameaux de la racehumaine, et cependant on ne saurait prétendre que ces peuples n'aient sufaire éclore des arts originaux.
Au contraire, nous avons souvent insisté sur cette observation, savoir:que les arts les mieux caractérisés sont le produit d'un certain mélangede races humaines, et que les expressions les plus remarquables de cesarts sont dues à la fusion des races aryenne et sémitique.
Au point de vue de l'ethnique, la nation russe ne se trouve pas dans desconditions plus défavorables que d'autres peuples, qui ont laissé lestraces d'un art brillant et profondément empreint d'originalité.
Son histoire politique a-t-elle été contraire à ce développement? c'estlà ce qu'il conviendra d'examiner. Mais répondons, en ne considérant laquestion que d'une manière générale, que la cause de l'ignorance del'Europe à cet égard tient à ce qu'elle n'a connu la Russie qu'au momentoù celle-ci, pour atteindre le niveau de la civilisation occidentale,s'empressait d'imiter l'industrie, les arts, les méthodes de l'Occident,en éloignant d'elle ce qui lui rappelait un passé considéré commebarbare.
C'est ainsi que l'art russe, qui marchait dans sa voie, a étébrusquement mis de côté et a été remplacé par des pastiches empruntés