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UN ENTRETIEN PAR MOIS
TOME ONZIÈME
PARIS
ON S'ABONNE CHEZ L'AUTEUR,
RUE DE LA VILLE L'ÉVÊQUE, 43.
1861
L'auteur se réserve le droit de traduction et de reproduction àl'étranger.
REVUE MENSUELLE.
XI
Paris.—Typographie de Firmin Didot frères, fils et Cie, rue Jacob, 56.
Premier de la sixième année.
«La nature, qui prédestinait l'Angleterre à cette importance, lui avaitdonné un caractère qui a ses défauts sans doute, mais qui a laprédestination des grandeurs. Ils portent en eux, ces Bretons, lesconditions du gouvernement (p. 6) d'eux-mêmes et des autres: ils sontréfléchis, ils sont audacieux et ils sont persévérants. Leur génie estnaturellement hiérarchique. Ils ont un orgueil individuel quelquefoishumiliant pour ce qui n'est pas eux; mais cet orgueil ou ce sentimentégoïste de leur supériorité leur donne un orgueil collectif et nationalqui fait une partie de leur force comme peuple. Je m'estime quand je mecompare, c'est le mot des Anglais.
Ils ont le sentiment de la liberté, par suite de cet orgueil; mais ilsont le sentiment de l'aristocratie, par raison. Ils veulent que leurcivilisation dure comme un monument: ils savent que rien ne dure dansles mobiles démocraties, gouvernements des passions et des caprices dupeuple; la hiérarchie est en tout la forme de l'ordre et la condition dela durée. Ils sont glorieux de ce qui est au-dessus d'eux commeau-dessous; ils respectent leur aristocratie, et ils respectent leursclasses subalternes.
Une monarchie, pour personnifier seulement leur majesté nationale; unearistocratie, pour perpétuer leur civilisation; un peuple libre, (p. 7)pour justifier leur orgueil civique: voilà leur trinité nationale.Liberté à la base, aristocratie au milieu, monarchie au sommet, ordrepartout; mais ordre raisonné plutôt qu'imposé. Quelle république, quellenoblesse, quelle royauté dans un même peuple! Celui qui ne l'admire pasn'est pas digne de parler des sociétés civiles.
De ces trois vertus gouvernementales dans la race anglo-saxonne estrésulté le phénomène que nous voyons: une richesse incommensurable chezeux, une légitime influence sur les continents, une monarchievéritablement universelle sur les mers ou sur toutes les contréesdesservies par les Océans.
Or la France peut-elle espérer un allié fidèle, solide, permanent, dansce grand peuple anglais? Je le dis avec regret, mais je le dis aveccourage: non! L'égalité de grandeur, (p. 8) quoique de grandeur diversedans les deux peuples, s'y oppose; il faudrait pour cela quel'Angleterre renonçât à la terre ou que la France renonçât à la mer, etque chacun de ces deux peuples se contentât de l'empire d'un seul desdeux éléments. Voyez le blocus continental de Napoléon provoquant leblocus maritime de l'Angleterre! L'orgueil légitime de l'Angleterren'abdiquera jamais (et nous ne l'en blâmons pas) une grande partd'influence et d'action sur le continent européen.
L'ambition, légitime aussi, de la France n'