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M. JOHN LOVELLIMPRIMEUR A MONTRÉAL (BAS-CANADA)Témoignage de haute estime.
Il y a quelques mois, j'habitais une petite ville bourguignonne,renommée pour ses usines métallurgiques. Un jour, il m'arriva d'assisterà une réunion chez des forgerons, qui témoignèrent l'intention d'émigrerau Canada, parce qu'on y parle la langue française. Connaissant, parun séjour de plusieurs années, le pays où ces braves gens voulaientaller, je combattis leur projet.
«Rendez-vous aux États-Unis, puisque votre désir est de quitter laFrance, leur dis-je; mais gardez-vous de porter votre intelligence etvos bras dans les colonies britanniques de l'Amérique du Nord.»
Et je donnai mes raisons.
Ces raisons, on les trouvera exposées dans ce livre, publié, pourla première fois, en 1857, à Montréal, et tiré à cinquante milleexemplaires, tant en français qu'en anglais.
Si quelques-uns des motifs qui l'ont dicté n'existent plus, comme letraité de réciprocité entre le Canada et les États-Unis, il n'en est pasmoins toujours vrai que la Grande-Bretagne décourage systématiquementl'industrie et les arts utiles dans ses colonies; que, chaque année,les Canadiens eux-mêmes fuient une patrie où ils ne trouvent point detravail, malgré les immenses ressources naturelles dont abonde leurpays.
Il n'en est pas moins toujours vrai que le Canada ne sera jamaisprospère et grand que lorsqu'il se sera annexé à la République desÉtats-Unis.
Paris, juillet 1866.
Ce jour-là Toronto, la capitale du Haut-Canada; était froid, monotone etmélancolique. Épaisse aussi, bien épaisse était la neige sur les largeset tristes voies passagères. Dans les rues désertes, comme dans lacampagne, à travers les arbres, au faîte des édifices, et loin, fortloin sur la baie silencieuse, ce n'était que neige!—neige ici, neigelà, neige partout.
Du nord s'élançait une bise piquante qui balayait les plaines,balayait la ville et balayait le lac; de lourds nuages noirs marchaientpéniblement au ciel, et ils étaient tout chargés de neige, encore de laneige. Le vent les chassait lentement en gémissant, d'un ton lugubre, lelong des artères de la cité.
Chacun, chaque chose avait cet aspect triste qu'une journée aussisombre, aussi glaciale pouvait évoquer.
Les maisons elles-mêmes avaient l'air ennuyé et mal à l'aise. Ilsemblait qu'elles regardassent avec humeur les rues solitaires et seserrassent les unes contre les autres en tremblotant et se plaignantcomme de véritables mortelles.
Les fenêtres aussi étaient délaissées et n'annonçaient que trop combienpeu on s'amusait dans les appartements qu'elles éclairaie