I. PREMIÈRE AVENTURE DE PIERROT II. DEUXIÈME AVENTURE DE PIERROT III. TROISIÈME AVENTURE DE PIERROT IV. QUATRIÈME AVENTURE DE PIERROT V. CINQUIÈME AVENTURE DE PIERROT VI. SIXIÈME AVENTURE DE PIERROT |
Pierrot naquit enfariné: son père était meunier; sa mère était meunière.Sa marraine était la fée Aurore, la plus jeune fille de Salomon, princedes génies.
Aurore était la plus charmante fée du monde: elle avait les cheveuxnoirs, le front de moyenne grandeur, mais droit et arrondi, un nezretroussé, fin et charmant, une bouche petite qui laissait voir dans sessourires des dents admirables. Son teint était blanc comme le lait, etses joues avaient cette nuance rose et transparente qui est inconnueaux habitants de ce grossier monde sublunaire. Quant à ses yeux, ô mesamis! jamais vous n'en avez vu, jamais vous n'en verrez de pareils. Lesétoiles du firmament ne sont auprès que des becs de gaz fumeux; la lunen'est qu'une vieille et sale lanterne.
Dans ces yeux si beaux, si doux, si lumineux, on voyait resplendir unesprit extraordinaire et une bonté suprême. Oh! quelle marraine avait lefortuné Pierrot!
Les fées, qui sont de grandes dames, ne fréquentent guère de simplesmeuniers; mais Aurore était si compatissante, qu'elle n'aimait que lasociété des pauvres et des malheureux. Un jour qu'elle se promenaitseule dans la campagne, elle passa près de la maison du meunier juste aumoment où Pierrot, qui venait de naître, criait et demandait le sein desa mère; elle entra dans le moulin, poussée par une curiosité biennaturelle aux dames.
Comme elle entrait, Pierrot cessa de crier pour lui tendre les bras.Aurore en fut si charmée qu'elle le prit sur-le-champ, l'embrassa, lecaressa, l'endormit, le replaça dans son berceau et ne voulut pas sortirdu moulin avant d'avoir obtenu la promesse qu'elle serait choisie pourmarraine de l'enfant.
Le lendemain, elle tint Pierrot sur les fonts baptismaux et voulut luifaire un présent, suivant la coutume.
—Mon ami, lui dit-elle, je pourrais te rendre plus riche que tous lesrois de la terre; mais à quoi sert la richesse, si ce n'est à corrompreet endurcir ceux qui la possèdent? Je pourrais te donner le bonheur;mais il faut l'avoir mérité. Je veux te donner deux choses: l'esprit etle courage, qui te défendront contre les autres hommes; et unetroisième: la bonté, qui les défendra contre toi. Ces trois choses net'empêcheront pas de rencontrer beaucoup d'ennemis et d'essuyer degrands malheurs; mais, avec le temps, elles te feront triompher de tout.Au reste, si tu as besoin de moi, voici un anneau que je t'ordonne de nejamais quitter. Quand tu voudras me voir, tu le baiseras trois fois enprononçant mon nom. En quelque lieu de la terre ou