PAR X.-B. SAINTINE,
PRÉCÉDÉ DE
QUELQUES RECHERCHES
SUR L'EMPLOI DU TEMPS DANS LES PRISONS D'ÉTAT
PAR
PAUL L. JACOB,
BIBLIOPHILE.
NOUVELLE ÉDITION, REVUE ET CORRIGÉE.
À NEW-YORK:
LEAVITT ET COMPAGNIE, No. 12 VESEY-ST.
1851.
L'ouvrage de M. Saintine est jugé: l'opinion publiqueavait devancé cette fois la justice solennelle quel'Académie Française s'est empressée de lui rendre enle proclamant digne d'un prix qui fait également honneurau caractère et au talent de l'écrivain. Aujourd'huiPicciola, dont la publication remonte à peineà cinq ans, jouit déjà de cette réputation solide etinaltérable que nos meilleurs classiques n'ont acquisequ'après l'épreuve du temps, et cet admirable livre dephilosophie morale et religieuse a pris sa place dans lesbibliothèques à côté de la Confession du Vicaire Savoyard,par Jean-Jacques Rousseau, et de Paul et Virginie,par Bernardin de Saint-Pierre.
Je ne répéterai donc pas les éloges unanimes qui ontété accordés à ce petit chef-d'œuvre, comparable, etpréférable peut-être, aux Prigioni de Silvio Pellico;je ne dirai pas que M. Saintine a donné un exempleremarquable des immenses ressources d'intérêt quepeut renfermer le sujet le plus simple et le plus exiguen apparence; je ne dirai pas qu'il a tenté une espècede tour de force littéraire en taillant un volume dansl'étoffe d'une courte nouvelle; je ne dirai pas, enfin,qu'il a su éviter les écueils presque inévitables d'unecomposition où il avait à chaque pas la crainte detomber dans le faux, ou dans le froid, ou même dans leridicule. Tout a été dit là-dessus pour faire ressortirle singulier mérite de l'auteur, qui s'est tenu constammentdans les bornes délicates et indécises du vrai etdu beau. Picciola est désormais rangé au nombre deces livres qu'on se dispense de louer, parce qu'on lesrelit sans cesse, en les aimant et en les admirant toujoursdavantage.
Certes, si je n'avais craint d'être taxé de complaisance,bien plus, de camaraderie, je me serais fait unplaisir de revenir lentement sur les impressions douces,mélancoliques et suaves que m'a procurées la lecturede Picciola; j'aurais cherché à découvrir la cause descharmes de cette lecture, qui pourtant ne soutient nin'éveille l'attention par la multiplicité et la bizarreriedes événemens, par l'éclat et la force des péripéties,par le choc et le tumulte des passions, par tous les ressorts,déjà usés ou affaiblis, de la dramaturgie moderne;j'aurais sans doute réussi à prouver, ce modèle à lamain, que de tous les écrits conçus pour nous intéresseret nous émouvoir, les plus uniformes sont d'ordinaireles plus touchans, et que souvent une modeste étudephysiologique, approfondie par la science et illuminéepar l'imagination, trouve en nous des sympathies intimesque n'atteignent pas les grandes œuvres du génie.
L'histoire de l'homme solitaire, le journal minutieuxde ses pensées et de ses actions dans l'isolement, lapeinture du prisonnier dans sa captivité, du moinedans sa cellule, du naufragé dans son île déserte, cesont là des sources éternelles de rêverie et de méditation.Il semble que chacun de nous s'attache depréférence au spectacle de l'homme luttant corps àcorps avec l'adversité, dont il triomphe par la patience,cette force des faibles. Robinson Crusoé, n'est-il pasle livre de tous les âges et de toutes les conditions?Nous le savons par cœur avant de l'avoir pu lire, etquand la vieillesse nous invite à rétrécir le cercle denos lectures comme celui de nos amis, que l